Les médicaments sont souvent le fruit de plusieurs années de recherches et de développement. Se pose, dès lors, la question des dispositifs de protection de ces inventions.

  • Le brevet d’invention

Les médicaments sont couverts par le mécanisme des brevets d’invention tels que définis par les articles L.611-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, par exemple. La durée de validité de ce brevet est de 20 ans à compter de son dépôt.

Il est entendu que, pour être brevetable, une invention doit répondre à trois conditions : elle doit être susceptible d’une application industrielle, nouvelle et dotée d’une activité inventive (article L.611-10 du CPI).

Néanmoins, d’emblée la spécificité du secteur pharmaceutique s’impose au futur déposant. Le médicament n’ayant pas pour vocation à être restreint à un seul territoire, il convient de remarquer que le déposant devra privilégier une stratégie de protection au moins européenne si ce n’est mondiale.

  • La demande de brevet

La demande de brevet doit reposer sur la description de l’invention, une ou plusieurs revendications, un abrégé du contenu technique de l’invention. Si le déposant ne fournit un dossier suffisamment complet sur les propriétés pharmacologiques, l’office compétent peut refuser le dépôt (article L.613-25 du CPI). La justice peut même annuler le dépôt en raison de l’insuffisance de la description (CA Paris, 12 janvier 2016, n°13/13050).

Si l’office juge que la demande est recevable alors, une date et un numéro de dépôt est délivrée au déposant. Passé cet examen formel, l’office va alors examiner le fond de la demande en vérifiant la conformité de la demande au regard des conditions d’obtention du brevet. Si l’examen est positif alors le brevet est délivré au premier déposant et est publié dans au BOPI.

Le brevet peut aussi faire l’objet d’une demande d’opposition d’un tiers qui revendiquerait la paternité de l’invention.

  • Les conditions de fond de validité

Comme nous l’avons vu plus haut un brevet doit être susceptible de recevoir une application industrielle, nouvelle et dotée d’une activité inventive.

  • L’application industrielle

L’application industrielle suppose que l’invention puisse être fabriquée ou utilisée dans l’industrie ou dans l’agriculture. C’est donc le critère le plus simple à remplir.

  • La nouveauté de l’invention

A ce stade il faudra procéder à une comparaison entre l’état de la technique actuelle et l’invention. Le résultat de cette comparaison permettra de constater ou non, le caractère nouveau de l’invention.

Dans le domaine pharmaceutique, l’OEB ainsi que les juridictions français (CA Paris, 30 janvier 2015, n°10/19659) reconnaissent la brevetabilité du changement de posologie dans le traitement d’une même maladie.

Il en est de même avec le principe de nouveauté autorise la deuxième application thérapeutique d’un médicament. La substance ou la composition du produit n’a donc pas nécessairement à être nouvelle (Décision G 2/80 du 19 février 2010 de la Grande Chambre de l’OEB), cette position a été transposée en droit interne par l’article L.611-11 §4 du CPI.

  • L’activité inventive

L’invention doit enrichir l’état de la technique et ne doit pas en découler de manière évidente. Cet état est déterminé en fonction du domaine dans lequel l’invention est brevetée, elle devra permettre de résoudre un certain nombre de problème afin de passer cette étape.

  • La protection juridique conférée par le brevet

Le brevet confère à son propriétaire un droit d’exploitation exclusif conformément aux dispositions de l’article L.611-1 du CPI. Il peut exploiter lui-même l’invention, la confier à un tiers en lui conférant une licence ou alors céder le titre d’exploitation.

Cette protection est octroyée au déposant pour une durée de 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande d’enregistrement du brevet. A l’expiration de cette durée, l’invention tombe dans le domaine public.

Cette protection est néanmoins doublement conditionnée. En premier lieu, le déposant doit payer les taxes requises et les annuités auprès de l’office compétent. En second lieu, le déposant doit faire usage de son invention. En droit pharmaceutique, l’attente de délivrance d’une AMM constitue une cause légitime d’attente.

L’absence d’exploitation du brevet pendant trois ans à compter de la délivrance du brevet (ou 4 ans à compter du dépôt de la demande) par son déposant autorise les tiers à bénéficier d’une licence d’exploitation obligatoire.

  • Limite de la protection juridique

Il est à noter que la protection juridique ne peut couvrir les préparations d’officine qui ne peuvent être assimilées à de la contrefaçon. De même, les actes expérimentaux, les essais préalables ou les essais de bioéquivalence ne sont pas couverts par le droit d’exclusivité dont bénéficie le déposant.

De même, le déposant ne peut s’opposer à ce qu’une licence soit octroyée à un tiers dans l’intérêt de la santé publique. Cette procédure est régie par les dispositions de l’article L.613-16 du CPI.  Pratiquement, c’est le ministre chargé de la propriété intellectuelle qui, sur demande du ministre chargé de la santé publique, peut par le biais d’un arrêté soumettre un brevet à un régime de licence d’office.

  • Le certificat complémentaire de protection

Les déposants disposent de la faculté de pouvoir rallonger le délai de protection de leur invention par le biais du certificat complémentaire de protection (CCP).

A ce titre, l’article L.611-3 du CPI opère la transposition en droit interne du règlement n°1768/92, qui lui-même a été codifié par le règlement n°469/2009 du Parlement européen et du Conseil en date du 6 mai 2009.

  • Conditions d’obtention du CCP

La demande doit être présentée dans un délai de six mois à compter de l’obtention de l’AMM ou de l’obtention du brevet.

L’obtention du CCP implique que le médicament fasse l’objet d’un brevet en vigueur, que la première AAM soit en cours de validité et qu’il s’agisse de la première demande de CCP. Si, un médicament bénéficie de plusieurs brevets, il peut aussi bénéficier de plusieurs CCP. Un CCP peut aussi être octroyé pour un principe actif ou une combinaison de principes actifs figurant sur la liste des revendications du brevet de base.

La demande de CCP est rejetée lorsqu’elle n’est pas présentée dans les délais et formes requis, après que le demandeur ait pu présenter ses observations et le cas échéant modifier sa demande. Le rejet d’une demande de CCP peut faire l’objet d’un recours contentieux devant la Cour d’Appel de Paris.

  • Effets du CCP

Il prend effet à compter de la date d’expiration de la protection octroyée par le brevet et ne peut être supérieur à 5 ans.

La demande de prorogation fait l’objet d’une mention au BOPI et d’une inscription au Registre national des Brevets, de même que son rejet ou son acceptation. La publication de l’acceptation mentionne la nouvelle date limite de validité du CCP.

  • Action en nullité du brevet

Dans le cadre de la guerre que les laboratoires pharmaceutiques se livrent, il n’est pas rare que l’un d’eux introduise une action en nullité du brevet d’invention.

  • Délai d’action et intérêt à agir

L’action en nullité de brevet   se prescrit dans un délai de 5 ans. La ratification par l’Allemagne de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, doit conduire à ce que cette action devienne imprescriptible conformément aux dispositions du futur article L. 615-8-1 du CPI.

L’intérêt à agir a principalement été reconnu aux concurrents du détenteur du brevet,  tout comme le bénéficiaire d’une licence exclusive ou encore le copropriétaire.

  • Juridiction compétente

Le tribunal de grande instance de Paris est exclusivement compétent pour connaître des actions en nullité de brevet en France.

  • Moyens invocables

Les moyens invocables au soutien d’une action en nullité d’un brevet sont limitativement énumérés par l’article L613-25 du CPI :

« Le brevet est déclaré nul par décision de justice :

a) Si son objet n’est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 ;

b) S’il n’expose pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter ;

c) Si son objet s’étend au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d’une demande divisionnaire, si son objet s’étend au-delà du contenu de la demande initiale telle qu’elle a été déposée ;

d) Si, après limitation, l’étendue de la protection conférée par le brevet a été accrue.

Si les motifs de nullité n’affectent le brevet qu’en partie, la nullité est prononcée sous la forme d’une limitation correspondante des revendications.

Dans le cadre d’une action en nullité du brevet, son titulaire est habilité à limiter le brevet en modifiant les revendications ; le brevet ainsi limité constitue l’objet de l’action en nullité engagée.

La partie qui, lors d’une même instance, procède à plusieurs limitations de son brevet, de manière dilatoire ou abusive, peut être condamnée à une amende civile d’un montant maximum de 3 000 euros, sans préjudice de dommages et intérêts qui seraient réclamés. »

 

Les causes de nullité du brevet peuvent donc être multiples et laissent clairement une porte ouverte à la personne morale qui souhaite agir en nullité.

Le Cabinet MOGENIER est en mesure vous accompagner sur l’ensemble de ces problématiques.

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