Suite à un récent arbitrage traité par le cabinet et. portant sur un litige d’affrètement, nous allons procéder à une analyse de ce type de contrat.
Le contrat d’affrètement se distingue du contrat de transport en ce qu’il porte sur le navire alors que le contrat de transport porte sur la marchandise. Le contrat d’affrètement, qui doit être écrit et de nature commercial ou mixte, va donc porter sur la mise à disposition d’un navire.
L’article L.5423-1 du code des transports dispose à cet effet que :
« Par le contrat d’affrètement, le fréteur s’engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d’un affréteur. Les dispositions du présent chapitre sont supplétives de la volonté des parties. »
Cet article appelle une seconde remarque, il énonce très clairement que ce contrat relève de la volonté contractuelle des parties et est donc librement négocié entre les parties. En outre, les contrats d’affrètement ne font l’objet d’aucune convention internationale. Leurs négociations ainsi que leurs conclusions sont librement consenties et négociées entre les parties.
Le code des transports rappelle aussi que trois types d’affrètement sont possibles :
- L’affrètement coque nue
- L’affrètement à temps
- L’affrètement au voyage
- Les sous-affrètements
Enfin, chaque contrat d’affrètement doit faire l’objet d’une charte-partie qui doit préciser :
« 1° Les éléments d’identification du navire ; 2° Les noms du fréteur et de l’affréteur ; 3° L’importance et la nature de la cargaison ; (selon les contrats) 4° Les lieux de chargement et de déchargement ; (selon les contrats) 5° Les temps prévus pour le chargement et le déchargement ; (selon les contrats) 6° Le taux du fret. »
- L’affrètement à coque nue
Selon l’article L.5423-8 du code des transports :
« Par le contrat d’affrètement coque nue, le fréteur s’engage, contre paiement d’un loyer, à mettre à la disposition d’un affréteur un navire déterminé, sans armement ni équipement ou avec un équipement et un armement incomplet pour un temps défini. »
C’est un contrat qui est donc à durée déterminée et dans lequel le navire est mise à disposition non armé et non équipé. La durée déterminée du contrat implique que les parties devront respecter scrupuleusement les dates de mise à disposition et de retour convenues. En cas de non-respect, l’une des parties pourra demander la résolution judiciaire du contrat.
Le fréteur s’engage, dans ce contrat, à mettre à disposition un navire qui est en bon état de fonctionnement. Il reste, par ailleurs, propriétaire du navire. Il est donc responsable de plein droit pour les dommages que le navire pourrait causer (pollution, enlèvement de l’épave).
A la différence des autres contrats, le contrat à coque nue est particulièrement désigné pour la mise à disposition de navire qui sont encore en construction. Cela implique donc une vigilance accrue de la part du fréteur qui sera tenu responsable des vices affectant le navire. A cet effet, l’article R.5423-5 du code des transports indique que :
« Le fréteur a la charge des réparations et des remplacements dus au vice propre du navire. Si le navire est immobilisé par suite d’un vice propre, aucun loyer n’est dû pendant l’immobilisation, si celle-ci dépasse vingt-quatre heures. »
Il en résulte donc qu’en cas d’immobilisation du navire pour une durée supérieure à 24 heures, le paiement du loyer sera suspendu (navire dit off hire).
Concernant les obligations de l’affréteur, celles-ci doivent être précisées dans la charte-partie et sont laissées à la libre détermination des cocontractants. Ainsi, le fréteur pourra préciser dans la charte-partie que l’affréteur ne pourra pas transporter certaines catégories de marchandises (explosives, dangereuses…). L’article R.5423-7 du code des transports précise que l’affréteur devra pourvoir à l’entretien du navire ainsi que les réparations et remplacements courantes. Il supporte tous les frais d’exploitation et doit assurer le navire. Enfin, l’affréteur devra restituer le navire « en fin de contrat dans l’état où il l’a reçu, sauf l’usure normale du navire et des appareils ». En cas de retard, « l’affréteur doit une indemnité calculée, pendant les quinze premiers jours de retard, sur le prix du loyer et, postérieurement à cette période, sur le double de ce prix ».
- L’affrètement à temps
L’article L.5423-10 du code des transports précise que :
« Par le contrat d’affrètement à temps, le fréteur s’engage à mettre à la disposition de l’affréteur un navire armé, pour un temps défini. »
Ici, le navire est armé et mise à disposition de l’affréteur pour un temps défini. La gestion est donc là aussi conservée par le fréteur tout comme le paiement des réparations du navire et des salaires des marins, ainsi que le dommage causé aux tiers.
Le fréteur « s’oblige à présenter à la date et au lieu convenus et à maintenir pendant la durée du contrat le navire désigné en bon état de navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir les opérations prévues à la » charte-partie « ». Le fréteur doit donc mettre à disposition de l’affréteur un navire conforme à ce qui a été convenu dans la charte-partie.
Dans ce type de contrat, les obligations pesant sur le fréteur sont particulièrement lourdes puisqu’il est prévu à l’article L.5423-11 du code des transports que :
« Le fréteur est responsable des dommages subis par la marchandise s’il est établi qu’ils sont dus à un manquement à ses obligations de fréteur précisées par voie réglementaire. Toutefois, il n’est pas responsable de la faute nautique du capitaine ou de ses préposés. »
Concernant l’affréteur, il dispose du droit d’exploiter commercialement le navire. Néanmoins, un certain nombre d’obligations pèsent aussi sur lui.
Tout d’abord, la charte-partie peut prévoir qu’un certain nombre de cargaisons ne pourront pas être transportées. Il s’agit, comme nous l’avons vu, des produits dangereux, inflammables ou toxiques.
Ensuite, il est d’usage d’exclure dans la charte-partie un certain nombre de destinations afin de préserver le navire contre les actes de piratage ou les avaries.
L’affréteur doit le paiement du fret, conformément aux dispositions de l’article R.5423-15 du code des transports :
« Le fret court du jour où le navire est mis à la disposition de l’affréteur dans les conditions du contrat. Il est payable par mensualité et d’avance. Il n’est pas acquis » à tout événement « . »
Néanmoins, le paiement du fret peut être suspendu si le navire se trouve off hire, sauf si la responsabilité de l’affréteur est engagée sur ce point. Il est aussi responsable de tous les dommages qui seraient susceptibles d’affectés le navire et qui relèveraient de son exploitation commerciale, ainsi que des conséquences juridiques telles que la saisie conservatoire du navire (voir par ailleurs sur ce blog).
Enfin, l’affréteur doit rendre le navire au fréteur à la date convenue dans la charte-partie. Il est d’usage de faire preuve de souplesse en prévoyant deux dates différentes entre lesquelles le navire devra être restitué dans un état d’usure normale.
- L’affrètement au voyage
Dans ce type de contrat, le fréteur met à disposition de l’affréteur un navire pour un ou plusieurs voyages. Il s’agit du contrat le plus contraignant pour le fréteur puisqu’il conserve la gestion commerciale et nautique du navire (Article R.5423-19 du code des transports).
A l’instar des autres contrats, le fréteur s’engage à mettre à disposition de l’affréteur le navire convenu dans la charte-partie :
« Le fréteur s’oblige : 1° A présenter à la date et au lieu convenus et à maintenir pendant le voyage le navire désigné en bon état de navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir les opérations prévues dans la » charte-partie » ; 2° A faire toutes diligences qui dépendent de lui pour exécuter le ou les voyages prévus à la » charte-partie « . »
Il est aussi exigé du fréteur qu’il réalise le voyage en droiture, dans un délai raisonnable compte-tenu des aléas météorologiques, et d’amener le navire dans le port convenu. Néanmoins, l’article R.5423-26 du code des transports prévoit :
« Dans le cas d’un empêchement durable d’entrée dans le port, le capitaine doit obéir aux ordres donnés, d’un commun accord, par le fréteur et l’affréteur ou, à défaut, se rendre dans un port voisin où il pourra décharger. »
Il est ainsi conseillé au fréteur d’inclure dans la charte-partie des clauses de grève, de guerre ou encore de glace afin de se prémunir contre des événements inattendus et qui seraient susceptibles d’engager sa responsabilité.
Une fois arrivé à destination :
« L’affréteur doit charger et décharger la marchandise. Il y procède dans les délais alloués par la » charte-partie « . Si celle-ci établit distinctement un délai pour le chargement et un délai pour le déchargement, ces délais ne sont pas réversibles et doivent être décomptés séparément. »
Enfin, il est prévu que le fréteur puisse s’exonérer de sa responsabilité en démontrant que :
« Le fréteur est responsable des marchandises reçues à bord par le capitaine dans les limites prévues par la charte-partie. Il se libère de cette responsabilité en établissant, soit qu’il a satisfait à ses obligations de fréteur, soit que les dommages ne tiennent pas à un manquement à ces obligations, soit que le dommage est dû à la faute nautique du capitaine ou de ses préposés. »
En ce qui concerne l’affréteur, ces obligations sont beaucoup moins lourdes. Il doit d’abord indiquer au fréteur les ports de départ et d’arrivée. Le chargement et le déchargement relève de la compétence de l’affréteur, il doit en outre consigner la marchandise prévue au contrat et payer le fret à la livraison, qui est en outre garantie par un privilège. Il est aussi débiteur de la redevance sur les marchandises. En cas de dépassement du poids convenu, il paiera bien entendu la différence.
Le chargement et le déchargement incombant à l’affréteur, les chartes-parties prévoient des délais durant lesquelles ces opérations doivent être menées. Ainsi, l’article R5423-22 du code des transports prévoit que :
« Les » jours de planche » (ou » staries « ) sont les jours stipulés et alloués à l’affrètement d’un navire pour les opérations de chargement et de déchargement de la cargaison. Le point de départ et la computation de ces » jours de planche » sont réglés suivant l’usage du port où ont lieu les opérations et, à défaut, suivant les usages maritimes. »
Ainsi, lorsque l’affréteur méconnait ses obligations concernant les délais de chargement, des pénalités financières lui sont appliquées :
« Pour chaque jour, dépassant le nombre de » jours de planche » convenus dans la » charte-partie « , pour le chargement ou le déchargement du navire, l’affréteur doit des » surestaries « , qui sont considérées comme un supplément du fret. »
L’affrètement au voyage constitue donc le contrat le moins risqué pour l’affréteur.
Le Cabinet MOGENIER vous accompagne dans la rédaction de charte-partie ou dans les litiges relevant de l’exécution de ces contrats.