La CJUE vient de rendre un arrêt particulièrement intéressant concernant la qualification d’une décision arbitrale en tant qu’aide d’Etat.
Pour rappel, cette question a déjà été traitée à plusieurs reprises par les juges européens qui ont d’ores et déjà jugé que l’exécution d’une sentence arbitrale pouvait recevoir la qualification d’aide d’Etat (CJUE, 25 janvier 2022, aff. C-638/19).
A contrario, dans un autre arrêt la CJUE avait dénié la qualification d’aide d’Etat à une sentence arbitrale (CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-702/20 et C-17/21)
Faute de dégager une ligne jurisprudentielle claire cet arrêt était donc particulièrement attendu, l’avocat général ayant conclu en l’espèce à l’existence d’une aide d’Etat.
S’agissant des faits, ceux-ci sont relativement classiques, deux sociétés, dont une majoritairement détenue par l’Etat grec, ont signé un contrat de fourniture d’énergie. Suite à un différend, une procédure d’arbitrage a été engagée et a condamné la société publique grecque à indemniser son cocontractant privé.
DEI, l’opérateur public, a déposé une plainte auprès de la Commission, soutenant que la sentence arbitrale devait être qualifiée d’aide d’Etat.
Cet argument a été rejeté tant par la Commission que par le TUE.
C’est dans ces conditions que la CJUE était saisie et amenée à se prononcer sur l’existence d’une telle aide.
En l’espèce, la CJUE indique dans son considérant principal, particulièrement alambiqué, que :
« 111 Ensuite, la circonstance que, en l’espèce, un recours tendant à l’annulation de la sentence arbitrale ait été rejeté par une juridiction grecque telle que l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) ne saurait impliquer que cette sentence puisse être imputée, pour ce seul motif, à l’État grec. En effet, le contrôle juridictionnel exercé par cette juridiction ne porte que sur la légalité de la sentence arbitrale, laquelle demeure un acte imputable uniquement au collège arbitral qui l’a adoptée. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’instauration en tant que telle d’une aide d’État ne saurait découler d’une décision juridictionnelle, une telle instauration relevant d’une appréciation d’opportunité qui est étrangère à l’office du juge (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C‑702/20 et C‑17/21, EU:C:2023:1, point 76). Partant, l’existence d’une telle décision juridictionnelle ne saurait, en tout état de cause, suffire à qualifier la sentence arbitrale, telle qu’entérinée par cette décision, comme une mesure susceptible de constituer une aide d’État. »
La CJUE écarte donc dans cette affaire la qualification d’aide d’Etat dans une décision qui apparait être plus un arrêt d’espèce que de principe.
L’on comprend, à grand peine, que la qualification d’aide d’Etat est déniée au motif que le collège arbitral qui a prononcé cette sentence ne peut être assimilé à l’Etat grec et que, partant, il ne peut être considéré que l’aide a été accordée par un Etat au sens de l’article 107 du TFUE.
Une telle motivation peine à convaincre et il est pour le moins regrettable que la CJUE n’ait pas saisi l’opportunité présentée par ce litige pour dégager enfin une ligne jurisprudentielle claire sur ce sujet. En somme, la CJUE rajoute à la confusion déjà ambiante qu’il serait fort utile de dissiper.
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Pierre-Alain Mogenier
Avocat au barreau de Lyon