Faute contractuelle et préjudice en matière de bail commercial

La Cour de cassation rappelle dans cet arrêt, aux visas des articles 1147 et 1149 du code civil, que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur.

Manquement aux obligations d’entretien et restitution des locaux

En l’espèce, après un bail commercial qui a duré 24 ans, la société locataire avait donné congé et restitué les locaux dans un état dégradé, insuffisamment entretenus, comme l’établissait le constat d’état des lieux de sortie.

Action en justice pour la remise en état des locaux

Le bailleur a assigné l’ancienne locataire en paiement d’une somme correspondant au devis de travaux de remise en état. La Cour d’appel a donné raison au bailleur, en considérant que le préjudice subi peut inclure le coût de la remise en état des locaux, sans qu’il soit nécessaire d’exécuter les réparations ou d’engager les dépenses effectives.

Décision de la Cour de cassation sur le préjudice locatif

La Cour de cassation, saisie par la locataire, a cassé la décision de la Cour d’appel, en rappelant que « des dommages et intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’un préjudice est effectivement résulté de la faute contractuelle ».

Indemnisation des fautes sans préjudice : un enrichissement sans cause

La troisième chambre civile rappelle que l’indemnisation d’une faute contractuelle sans préjudice constitue un enrichissement sans cause et est contraire au principe de réparation intégrale du préjudice, qui ne doit entraîner ni perte ni profit pour la victime.

Évaluation du préjudice et prise en compte des circonstances postérieures

Le juge doit évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, en prenant en compte les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles que la relocation, la vente ou la démolition, lorsque celles-ci sont invoquées.

Responsabilité du locataire et obligation de réparation des préjudices

La Cour de cassation conclut que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations contractuelles doit réparer le préjudice éventuellement subi par le bailleur. Ce préjudice peut inclure le coût de la remise en état des locaux, sans qu’il soit nécessaire d’exécuter les travaux.

Revirement de jurisprudence en matière de préjudice locatif

Cet arrêt marque un revirement de jurisprudence, la Cour ayant auparavant jugé que l’indemnisation du bailleur pour l’inexécution des réparations locatives n’était pas subordonnée à l’existence d’un préjudice. Les décisions antérieures (3ème Civ., 29 janvier 2002 ; 3ème Civ., 25 janvier 2006 ; 3ème Civ., 7 janvier 2021) sont remises en question.

Preuve du préjudice dans les litiges de baux commerciaux

Le propriétaire doit prouver que le manquement du locataire à son obligation de restitution en bon état a causé un préjudice pour obtenir réparation.

Portée générale de l’arrêt sur la responsabilité contractuelle

Cet arrêt réaffirme clairement la nécessité de prouver un préjudice pour mettre en œuvre la responsabilité contractuelle, une décision qui dépasse le cadre des baux commerciaux et s’applique à toute forme de responsabilité contractuelle.

Auteur : Maître Mogenier

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