A trop vouloir définir son BEFA, on risque la requalification en marché de travaux (CE, 3 avril 2024, n°472476).
C’est la moralité de l’arrêt que vient de rendre le Conseil d’Etat et qui reprend finalement ce qui avait déjà été jugé pour les VEFA (CJUE, 29 octobre 2009, aff. C-536/07 ; CJUE, 22 avril 2021, aff. C-537-19 ; CE, Section, 8 février 1991, n° 57679 et CE, 14 mai 2008, n° 280370)
Un centre hospitalier avait conclu avec une SCI un « bail en l’état futur d’achèvement », qui prévoyait la location au centre hospitalier de deux bâtiments existants après l’aménagement de l’un d’eux ainsi que d’un nouveau bâtiment à construire, pour une durée de quinze ans, avec une option d’achat après la douzième année.
Après manifestement constaté son erreur, le Centre hospitalier a sollicité la résiliation du contrat passé.
S’il est parfaitement loisible à une personne publique de conclure une VEFA ou un BEFA, celui-ci ne doit pas faire l’objet d’un aménagement spécifiquement dicté par la personne publique acheteuse.
En l’espèce, c’est ce que retient la Haute Juridiction :
« 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier du contrat en litige, de la notice descriptive sommaire et du cahier des prestations techniques d’aménagement et de livraison qui lui sont annexés, ainsi que de la lettre du 18 mai 2017 que le centre hospitalier a adressé à France domaine, que tant l’aménagement du bâtiment existant A que la construction et l’aménagement du nouveau bâtiment C répondent aux besoins exprimés par le centre hospitalier, visant à regrouper ses activités ambulatoires de psychiatrie infanto-juvénile ainsi que le centre d’accueil thérapeutique à temps partiel et les hôpitaux de jours consacrés à l’accueil d’enfants de moins de 12 ans, et aux exigences spécifiques qu’il a fixées relatives, d’une part, à l’implantation du nouveau bâtiment C dans la continuité du bâtiment A, d’autre part, aux nombreux aménagements intérieurs des bâtiments A et C nécessaires aux activités thérapeutiques spécifiques devant s’y dérouler. En jugeant qu’un tel contrat, dénommé par les parties » bail en l’état futur d’achèvement « , constitue, en application des dispositions des articles 4 et 5 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 citées au point 3, un marché public de travaux dès lors que l’ouvrage répondait aux besoins exprimés par le centre hospitalier, estimant nécessairement qu’il avait exercé une influence déterminante sur la conception de cet ouvrage, la cour administrative d’appel de Marseille, qui n’a relevé qu’à titre surabondant l’existence d’une clause d’option d’achat, n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l’espèce. »
En d’autres termes, le Conseil d’Etat relève que le Centre Hospitalier a bien défini les modalités d’aménagement des bâtiments à ses propres besoins et donc une influence déterminante sur la conception de l’ouvrage (CJUE, 10 juillet 2014, C‑213/13). Cela aurait du le conduire à passer un marché de travaux et non pas, comme en l’espèce, un BEFA.
Cet arrêt est aussi très intéressant car il permet au Conseil d’Etat d’apporter des éléments de compréhension à ce qu’il qualifie « d’influence déterminante sur la conception de l’ouvrage ». C’est le cas, lorsque la personne publique détermine « la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs ».
Par contre, « Les demandes de l’acheteur concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur » ne permettent pas à se dernier d’exercer une influence déterminante…
Ce dernier point ne manque de laisser dubitatif surtout lorsqu’il s’agit, comme dans le cas d’espèce, d’aménagements intérieurs très spécialisés.
Comprenne qui pourra…
Le Cabinet Mogenier vous assiste et vous accompagne en droit des contrats publics.
Pierre-Alain Mogenier
Avocat au barreau de Lyon