Est-il possible de déroger aux statuts d’une SAS par une décision unanime des associés ?
Oui, vient de répondre la Cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 16 novembre 2023 (n°22/10344).
S’agissant des faits, un litige oppose une SAS son ancien directeur général, lequel exige des dommages et intérêts suite à la révocation de son mandat qu’il qualifie de sans juste motif et vexatoire.
1- Sur l’absence de juste motif.
Les statuts de la SAS précisaient que le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’un juste motif soit nécessaire, par décision du président.
Les associés de la SAS avaient toutefois décidé, à l’unanimité, de nommer ce directeur général en approuvant des conditions de révocation différentes de celles prévues dans les statuts, notamment en ce qu’elles prévoyaient que le directeur général ne pouvait être révoqué que pour trois motifs bien spécifiques.
Il résidait donc une contradiction manifeste entre les statuts et les conditions de nomination du directeur général. Pour rappel, la Cour de cassation avait retenu une solution retenant la primauté des statuts sur une décision d’un associé unique (Com., 12 octobre 2022, n°21-15.382).
En l’espèce, la Cour d’appel de Paris, tout en rappelant la primauté des statuts sur les décisions prises par les associés, souligne que l’adoption à l’unanimité des associés d’une décision lors d’une AG démontre la volonté expresse de ceux-ci de déroger aux statuts de la SAS. Elle décide donc de faire application des conditions de révocation. En d’autres termes, il est possible dans des circonstances bien précises, de faire prévaloir une décision des associés sur les statuts dès lors que cette décision démontre une volonté ponctuelle de déroger aux dispositions statutaires.
2- Sur le caractère vexatoire de la révocation
La Cour d’appel rappelle tout d’abord que le caractère vexatoire et brutal de la révocation peut caractériser une faute de la part de la société (Com., 22 novembre 2016, n°15-14.911 et 9 novembre 2010, n°09-71.284).
Ont été qualifiées de vexatoires:
- le fait de ne pas préciser les motifs de la révocation (Com., 14 mai 2013, n°11-22.845);
- la mise en place d’un nouveau dirigeant préalablement au départ du précédent qui fait l’objet de la décision de révocation (CA Rouen, 16 décembre 2004, n°04-746)
- la mise en oeuvre rapide (en quelques heures) de la révocation (Com., 9 novembre 2010, précitée).
En l’espèce, la convocation du directeur général 48 heures avant ne peut être qualifiée de brutale. La demande d’indemnisation est donc rejetée.
Force est de constater que, au regard de la jurisprudence précitée, l’arrêt de la Cour d’appel apparait tout à fait justifié et fondé.
Le Cabinet Mogenier vous assiste et vous accompagne sur les litiges liés à la révocation des dirigeants.